mardi 15 mai 2012

Bolivie : Huayna Potosi


Après la Death Road, je continue sur ma lancée sportive avec l’ascension du Huayna Potosi. J’ai coché cette ascension suite à une discussion avec un gars rencontré en Nouvelle-Calédonie, le même qui m’avait recommandé la Death Road d’ailleurs. Cette ascension peut me permettre de passer une barre métrique que je juge mythique. Pour le moment, ma plus haute altitude fut 4900m dans le Sud-Lipez mais c’était en voiture, donc je vais tenter une vraie ascension pour aller taper cette fameuse barre métrique qui, je l’avoue, me fait rêver…



Je passe par l’agence Alberth Bolivia et je choisis de partir sur une ascension en groupe plutôt qu’en solo. J’aurais préféré cette dernière solution car en groupe nous sommes 2 ou 3 encordés au guide et si une des personnes ne réussit pas à grimper au sommet, c’est tout le monde qui redescend. Un côté roulette russe quoi, surtout que d’après les récits, il n’y a que 70% des personnes qui arrivent au sommet, les autres sont le plus souvent terrassés par le mal des montagnes ! Par contre en groupe l’ascension coûte 100€ (guide, refuge, nourriture, transport et équipement) alors qu’elle est de plus de 150€ en solo. 

Je prends  par contre la décision de partir pour 3 jours au lieu de 2 jours, c’est plus cher de 20€ environ, mais cela permet d’avoir une meilleure acclimatation à l’altitude et de s’exercer le premier jour aux crampons et piolet, une première pour moi qui joue plutôt sur de la moyenne montagne que de la haute montagne.



Le premier jour, il y a un ratage à l’allumage pour l’agence Alberth puisque sur les 6 personnes à tenter l’ascension, je suis le seul à prendre l’option 3 jours. On me demande si cela me dérange de passer sur 2 jours afin de faciliter les choses. Je refuse malgré la belle remise que l’on peut me faire (environ 40€), je comprends le côté pratique pour eux, mais je veux vraiment avoir cette journée supplémentaire d’acclimatation car j’appréhende énormément ma réaction à l’altitude. On me demande alors de décaler au lendemain car il y a plusieurs personnes qui tente l’ascension, je refuse une nouvelle fois. Et finalement, je me retrouve donc avec un guide pour moi tout seul, ce n’était pas le but de la manœuvre mais cela me rassure, si j’abandonne, ça ne sera que de ma faute. Autre couac, je chausse du 46-47, on peut seulement me proposer du 45.5 où je me sens à l’étroit… !

Ce fut le seul désagrément de ces 3 jours, pour le reste l’organisation fut au top et je recommande vraiment Alberth Bolivia si vous devez tenter l’aventure ! Je ferais donc équipe avec Alex, mon guide Bolivien et sur place je passerais les 3 jours avec Mathias un allemand qui a pour guide privée Rodrigo, un très bon ami d’Alex. Par contre il a payé plus de 160€ pour avoir ce luxe…

Arrivés ensemble au premier Base Camp, situé 1300m en-dessous du sommet que je dois aller conquérir 2 jours plus tard, on pose le sac à dos et on part directement avec Alex, Mathias et Rodrigo testé le matos et surtout s’initier aux crampons et piolet sur un glacier qui se trouve 45 minutes plus haut. L’utilisation de ce matos est assez simple, par contre comme je me doutais, les chaussures me procurent une douleur aux talons et chevilles. La fin se ponctuera par un test sur un mur de glace d’une dizaine de mètres à escalader, la pente est pas à 90 degrés, mais plutôt à 105 degrés. J’y arriverais pas d’ailleurs échouant après 8 mètres et laissant mes 2 piolets dans le mur de glace, ce qui provoquera un fou rire général de 10 minutes… Pas d’inquiétude cependant, cette grimpette était juste pour le fun et je n’aurais pas à affronter ce genre d’épreuve durant l’ascension. Redescente ensuite vers le Base Camp après 2h30 sur le glacier. Bon petit repas préparé par nos 2 guides et ensuite jeu de cartes intitulé « Penalty », un jeu auquel on a beaucoup joué durant les 3 jours dans une super ambiance.



Le deuxième jour, debout 7h pour prendre le petit-déjeuner et décollage à 8h pour grimper au Refuge Camp situé seulement 300m plus haut (en altitude, pas en distance !). On grimpe donc progressivement afin d’habituer le corps à l’altitude. Je ne ressens toujours rien et j’en suis fort content. La grimpette doit durer un peu plus de 2h, selon Alex, mais notre bon rythme, nous permet d’arriver en 1h30. Je suis cependant pas forcément rassurer, si les deux guides sont forcément très l’aise, mon ami Allemand se balade également, je suis un peu en retrait, pas distancé, mais je fais quelques efforts pour suivre, moi qui avait prévu de monter tout cool afin de ne pas me cramer… Suite à un échange avec Mathias, il m’indique qu’il fait énormément de randonnées et qu’il est donc normal qu’il soit aussi à l’aise… J’évite de lui dire que c’est pareil pour moi… Au Refuge Camp, je m’occupe avec un bouquin trouvé dans mon ancien hôtel et au fameux « Pénalty ». Là-bas je retrouve les 5 autres acolytes du premier jour, ayant tenté l’aventure sur 2 jours. Sur 5, seuls 2 ont réussis… Un étant terrassé dès le Refuge Camp et un Mal Aigu des Montagnes. Les deux autres abandonnant à  400m du sommet à bout de forces et de souffle. Cela ne me rassure guère. Alex m’indique que leurs erreurs c’est d’avoir tenté l’ascension sur 2 jours seulement, il essaye de me rassurer comme il peut. Ce jour-là, au lit à 18h.




Le troisième jour, le réveil sonne à 1h du matin, pour moi pas réussi à fermer l’œil de la nuit, trop froid et surtout trop excité, je me pose dix milles questions et c’est surtout ce problème de chaussures qui m’embarrasse ! Aujourd’hui nous sommes 15 à tenter l’ascension des 1000m derniers mètres de dénivelée positif. Les 13 autres personnes quittent le Refuge Camp entre 1h et 1h15 du matin. Alex et Rodrigo estiment que c’est trop tôt, nous partirons à 2h30. Ils sont convaincus qu’on a le niveau physique et la bonne acclimatation pour réussir l’épreuve en 5h30-6h.

On part très exactement à 2h40, bonne nouvelle, je ne ressens pas forcément de gênes avec les chaussures, cela m’enlève 1 des 35 boules que j’ai au ventre. (Pour faire un parallèle, vous savez la boule au vente du premier jour de rentrée à l’école, ben c’est là c’est pareil pour moi !) Dans la nuit, je vois au-dessus dans la montagne, les lumières des frontales, et je suis jaloux de savoir que certains ont déjà passés le premier mur. Le but de partir de nuit est multiple : avoir une neige compacte et facile à pratiquer, ne pas subir le soleil et sa réverbération sur la neige et pouvoir se faire le lever du soleil. Pour Mathias et moi, on devrait assister au lever du soleil, durant l’ascension car celui-ci est prévu aux alentours de 7h, il faudrait donc boucler l’ascension en 4h30. Le meilleur de la veille à boucler cela en 4h45…

Le premier mur passe sans soucis, avec un bon rythme, avec Mathias, nous avions prévenu vouloir partir lentement afin de trouver le rythme. On s’en fout du temps, on veut juste voir ce sommet. Au bout de 45 minutes, on croise une fille qui redescend avec son guide, elle ne digère pas l’altitude. Rapidement, c’est un groupe de deux allemands qui redescend, même sentence. Bizarrement, cela me motive, car je suis bien, pas de douleurs pour le moment. Cependant je reste prudent, j’ai lu des récits de personnes qui abandonnaient 150m en dessous du sommet.

L’ascension se passe bien, j’ai des bonnes jambes, avec Alex nous « ouvrons » la piste devant Mathias et Rodrigo. On doublera bientôt deux espagnols tentant l’ascension sans guide. Malgré notre allure que je juge très prudente, on les rattrape et les double rapidement. Bientôt un deuxième groupe sera également doublé… Je suis surpris, et je me pose beaucoup plusieurs questions « Est-ce qu’on va pas trop vite ? Est-ce qu’on ne va pas payer tout cela plus tard ? ». A ce moment-là, petit flash-back sur ma première course de Trail que j’avais fait avec Jérôme et Fred en 2010, sur certaines portions, je fanfaronnais en allongeant la foulée, et ils me chambraient en me disant « Qui fait le Malin, tombe dans le Ravin. Ils voulaient dire par là qu’il fallait que je me ménage, la course était longue, c’était les Grand Duc long de 75 kilomètres. Pour la petite histoire, j’ai abandonné au bout de 45 kilomètres à bout de forces, mon seul abandon…

Avec Alex dans une petite bosse, on se détache légèrement de Rodrigo et Mathias. Mais ils reviendront très rapidement sur nous, car je suis un peu court sur pattes, pas de soucis avec le souffle, mais les jambes sont lourdes. Ca cogite dans la tête « Merde ! Je viens de me cramer tout seul ! ». Surement l’euphorie de rattraper du monde, tu t’emballes et tu payes les conséquences… « Qui fait le Malin, tombe dans le Ravin »…

Je tire sur la corde qui me relie à Alex, et lui dit « Tranquillo Amigo, tengo tiempo ! El objectivo es el cumbre, no el chrono !». Il se retourne, me sourit et ralentit. Cela reste malgré tout très dur pour moi, je lève la tête, le sommet est juste au-dessus de moi, enfin 500m plus haut. Je commence à douter, et le groupe que l’on croise et qui redescend abandonnant l’effort, ne me remonte pas le moral cette fois. Cela fait seulement 2h que l’on est parti, seulement un tiers de l’effort. On marque une pause. Mathias m’indique que c’est également dur pour lui et il craint également qu’on soit parti trop fort. Cependant une nouvelle, nous remonte le moral, Rodrigo et Alex nous indique que le sommet n’est plus qu’à 2h30. On mettrait donc 4h30. On leur demande de ralentir le tempo vu que l’on a de l’avance.

On repart droit dans un mur, et mes chaussures commencent à me cisailler, j’ai mal, je ne pense qu’à cela, à chaque pas, j’ai une douleur au talon et à la cheville. Paradoxalement ces douleurs, me font oublier mes jambes lourdes. Je serre les dents et je sais que ce ne sont pas ces douleurs qui me feront faire demi-tour. Je me dis que c’est juste 2h30 à souffrir, pour faire un truc de fou, un truc qui me tient à cœur. Qu’est-ce que 2h30 ?

Malgré la consigne passée à Alex et Rodrigo, je n’ai pas l’impression que c’est un tempo cool qu’ils nous imposent, cependant, je le digère parfaitement. Après 3h d’effort, nous marquons une pose. Les guides nous demandent de lever la tête, avec Mathias nous apercevons une dizaine de frontales au-dessus de nous. Ils nous indiquent que nous sommes plus qu’à 150m du sommet. Et seulement 1h d’effort. Quoi ? Déjà ? C’est une blague ? Cela me booste, à partir de ce moment, je ne sens plus mes jambes, plus les douleurs aux pieds. Car je suis bien, et je sais que je verrais le sommet, quitte à ramper !

30 minutes plus tard, Alex, me regarde et m’indique qu’on vient de passer la fameuse barre métrique que je voulais voir tomber. Je souris, dans ce sourire c’est de la joie, mais surtout de la fierté. Il m’indique qu’il ne reste plus qu’une partie avec vue totale sur le sommet. Ce chemin restant c’est une arrête étroite, à ta droite le vide, à ta gauche le vide. Cette arête sera vite avalée, car j’ai hâte d’être au sommet, malgré la pente très inclinée, on accélère avec Alex. 

Après 3h45, nous sommes au sommet. Le soleil commence à se lever à peine. Je tombe dans les bras d’Alex qui me félicite pour y être arrivé et aussi pour le temps que l’on a mis. Dans ma tête c’est un vrai 14 Juillet, un feu d’artifice de mille couleurs. Je tombe au sol et je souris à ne plus m’en arrêter. Je l’ai fait, je l’ai fait ! Ce n’est pas un exploit à proprement dire, d’ailleurs ce jour-là nous sommes 7 sur 15 à réussir l'ascension, preuve que cela n’est pas unique. Mais je m’en fous, je suis fier ! Fier d’être là, fier de cette bataille de 3h45, fier de ne pas éprouver de douleurs liées à l’altitude, fier de ce voyage qui me permet de voir une nouvelle fois une chose magnifique…





Et surtout fier d’avoir cassé cette barre. Ah oui c’est vrai, je ne vous ai toujours pas dit l’altitude du sommet. Cette fameuse barre que je voulais voir tomber, ce n’est pas celle des 5000m, c’est bien celle des 6000m d’altitude. Le Huayna Potosi c’est très exactement 6088m.

La redescente doit prendre 2-2h30 selon Alex. On mettra une heure, oui j’avoue on a fait la course. Et oui j’avoue je suis tombé une fois… Enfin dans la neige, vous imaginez bien que la douleur ne fut pas violente. Dans cette descente, je découvre les paysages que j’ai traversés de nuit. C’est féérique !




Au moment des adieux, je salue chaleureusement Alex mon guide et lui donne mon foulard qu'il m'avait indiqué adoré car il est assorti à sa casquette, il voulait même me l'acheter. Il est surpris et me tombe dans les bras en guide de remerciements.

Voilà fin de l’article. Fin de l’introspection de ces 3 jours et plus particulièrement de cette journée d’ascension. Un souvenir à jamais gravé dans ma mémoire… J'en ai encore la chair de poule en écrivant cet article.


2 commentaires:

  1. Hello Frero,

    Tu m'as également donné la chair de poule en lisant ton article et une petite larmichette car ton article est de nouveau magnifique et tu nous captive tout le long de ton récit. Tu devrais te reconvertir dans l'écriture. Magnifique!!! Merci.

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  2. Bravo mon Vivien, moi je voudrais bien ton casque jaune!
    Grosses Bises, fais attention à toi l'ancien!
    MaTT&Gaelle

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