jeudi 27 août 2015

UT4M 2015

Me revoilà en piste pour un nouvel Ultra. Cette fois ça sera à la maison puisque le parcours part de Grenoble et va tourner autour de la ville via les 4 massifs que sont le Vercors, le Taillefer, Belledonne et la Chartreuse pour enfin revenir sur Grenoble pour l’arrivée. Un menu copieux de 168km vendu à 10000m de D+ par l’organisation mais étant plus aux alentours de 11500m de D+ !

Le choix de cet Ultra est assez facile car ce sont mes chemins d’entrainements, car mon entreprise Montagne Nature & Style est partenaire principal de la course, que mon groupe d’amis sera aussi sur la course dans le cadre du Relais 160 et que j’avais envie de me lancer un nouveau gros challenge afin de progresser en course à pied.

Ma préparation a été très bonne, je ne me suis jamais autant entrainé avec une moyenne de quasiment 4 séances/semaine. Pour être prêt, j’ai perdu 14 kilos entre l’édition de 2014 réalisé en relais et celle de 2015, j’arrive donc très très affiné sur cette course. Seule incertitude, mon abandon fin Juin au Grand Duc de Chartreuse au bout de 69km sur les 87 de la course suite à une énorme lassitude et une envie de ne pas me faire mal. J’ai donc passé ces deux derniers mois à travailler mentalement sur ma course pour éviter toute déconnexion et un abandon.

Me voilà donc le Vendredi 21 Juillet à 8h sur la ligne de départ avec un objectif de 40h et j’aimerais m’approcher du Top 50.

VERCORS : Km 0 à 40



Le départ est donné et je m’élance en compagnie de 352 solos. Le départ est également commun avec la version 40km qui fait uniquement la Chartreuse et le relais 160 à 4 personnes. Je suis donc en compagnie d’Emilio, premier relayeur de la Team de La Meute.

SMS de Lauren à 7h51 : Bon courage ! Tu peux y arriver, tu as travaillé dur pour ça ! Profite de l’aventure. Je t’embrasse.

Je pars plutôt rapidement emporté par le peloton mais en faisant bien attention à ne pas aller trop vite puisque l’an dernier j’avais fait n’importe quoi au départ. Les 4 premiers kilomètres sont plats et nous permettent de sortir de la ville pour aller attaquer la première grosse montée qui nous emmènera au Moucherotte. Les premiers lacets en montée, que j’avais prévu de courir, sont finalement passés en marchant car le peloton marche donc je m’adapte. Je passe rapidement la Tour sans Venin en moins d’1h et après 9km de course, le rythme est bon et me convient parfaitement. Emilio revient à ce moment-là sur moi, et je suis très content de l’avoir à mes côtés, c’est un soutien de choix. On échange un peu sur ce début de course, et je lui confie que j’ai une sensation bizarre à la cuisse gauche avec une pointe au quadri que je n’explique pas car je suis parti plutôt doucement donc ça ne peut pas être une crampe. Je suis peut-être engourdi lui dis-je…

On arrive ensuite au Tremplin de Saint-Nizier et ces marches (420 me dit Emilio dans l’oreillette) qui font mal aux mollets et aux cuisses car très haute et irrégulière. Mais tout de suite après ce passage, on entre au 1er ravito, où je retrouve Andric, qui s’occupe de manière impeccable de recharger l’eau et après à peine 5min, je repars avec Emilio vers le Moucherotte. Je suis classé 71ème.




Le reste de la montée est assez régulière et sur un petit rythme, je reste dans le peloton comme cela je m’économise. J’ai toujours dit que la course commençait réellement au km88 (!!!). Emilio est légèrement décroché. Je passe le Moucherotte qui signifie la fin de la montée, et donc déjà 1600m de D+ d’absorbé. Maintenant il faut se remettre à courir car le terrain descend légèrement en direction de Lans en Vercors, j’ai la surprise de voir Renaud en plein milieu du chemin qui m’attend pour m’accompagner un peu. J’arrive au 2ème ravito en 84ème position. J’ai perdu quelques places mais je sais que j’avais le bon rythme donc je ne m’affole pas. Emilio, en plus, ne me lâche pas et arrive une poignée de secondes derrière moi. J’ai la joie de retrouver et de voir tout mon groupe d’ami qui est là pour m’encourager et encourager notre relais.

Je repars assez vite et laisse Emilio derrière moi. Direction Pic Saint-Michel, Renaud m’accompagne pendant encore 1,5km et me laisse. Ca fait du bien de partager quelques kilomètres. Le Pic Saint-Michel est une montée assez courte, par contre très raide, c’est pour moi la première vraie difficulté du parcours.

J’absorbe bien cette partie en pierrier et la fin dans la pente raide puis m’élance dans la descente vers Saint-Paul de Varces via le Col de l’Arc. Je redoute fortement celle-ci, car durant mes recos, elle m’a laissée des traces, tellement la pente est importante. On a rapidement fusillé ces cuisses si on la gère mal. Je trouve que je la descend bien, sans trop solliciter, alternant marche rapide et petit footing. Je suis content de moi car je n’ai pas fait n’importe quoi emporté par l’envie de trop bien faire. Cependant ma pointe à la cuisse gauche que je traine depuis le km10, est en fait bien une crampe, qui est train de bien se développer au fil des kilomètres. Je ne comprends pas pourquoi je crampe car je suis hyper prudent. Je m’étire donc 2 minutes en bas du Col de l’Arc et repart. A Saint-Paul de Varces, je croise de nouveau mon groupe d’ami et Andric s’occupe une nouvelle fois de recharger mes munitions à la fontaine. J’en profite pour me passer la tête sous l’eau et me mouiller le corps. Il est 13h, et le soleil de plomb commence à bien taper et à faire mal.

Je passe la côte de la Montagne d’Uriol et redescends rapidement sur Vif qui signifie la fin de mon premier massif. J’arrive à la base de vie en 6h36, soit dans mon tableau de marche car je voulais être en 6h30 à Vif. Je tombe sur Christian, mon patron, venu me voir passer, cela me fait très plaisir. Je prends une pause de 20min pour bien m’étirer et détendre la cuisse gauche et Andric gère de nouveau mon assistance en compagnie de Vivyan qui lui attend Emilio car il récupère le relais. Je ressors de la base de vie en 65ème position.


SMS d’Emilio à 17h16 : « Salut mon petit loup bravo pour ta course t’es une machine. Attention à la chaleur. Garde en sous le pied tu as le temps. Moi j’ai fait 7h20 bien rôti… »

TAILLEFER : Km 40 à 88

De Vif à Saint-Georges de Commiers, je ne connais pas le parcours, ce sont les 5 et uniques kilomètres que je n’ai pas reconnu. Et je dois dire qu’ils sont très longs et ennuyeux, de plus malgré mes étirements, ma cuisse continue de se contracter. Ce souci commence à m’inquiéter car ça ne veut pas passer, je continue donc de ne pas trop solliciter ma jambe gauche et suis donc dans un rythme plus faible que prévu.

Enfin arrivé à Saint-Georges de Commiers, j’attaque le Col de la Chal, et à ma grande joie, il y a 3 fontaines en peu de temps dans lequel je me rafraichis le corps et la tête. Le soleil est vraiment difficile à gérer mais je sais que dans quelques mètres, je rentrerai dans une forêt et donc à l’ombre.

Le début de la montée est catastrophique, et la cuisse gauche me lance sans arrêt dès que je force. Je m’impose de m’arrêter à chaque kilomètre pour prendre 2 minutes et m’étirer. Mais rien n’y fait, ça ne veut pas passer et je sens que je peux cramper à tout moment.

Finalement, mon salut viendra d’un autre problème puisque qu’à 1 kilomètre du sommet du Col de la Chal, je suis pris de violent maux de ventre. J’ai très mal et j’ai le ventre qui me brasse. Seule bonne nouvelle, ma cuisse devient le cadet de mes soucis et j’en oublie cette douleur. Je finis tant bien que mal le Col de la Chal et au sommet je prends le temps de me rafraichir à une fontaine. A 20 mètres de moi, un concurrent vomi et repart directement. Je repars, fait 50 mètres, et vomi également tout ce que j’ai dans le bide. Cela me soulage et me fait passer la douleur ventrale mais je suis pris de vertiges. Un spectateur vient m’aider, me déplace à l’ombre, me fait asseoir et vient me mouiller le visage avec sa bouteille d’eau. Il reste un peu puis s’éloigne, tout en se tenant prêt si jamais j’ai un problème. Les concurrents passent à côté de moi et doivent se dire que c’est fini pour moi. A ce moment-là, je pense la même chose. Je suis à bout de nerfs, je ne comprends pas ce qu’il se passe et je pleure de rage. Un an d’entrainement pour abandonner dès le Km50, sur une course que je devais maitriser tout du long et qui au final m’échappe depuis le départ.

SMS à Andric à 16h52 : « Je suis arrêté à La Chal. Je vomis mon corps »

Je reste assis là 15-20 minutes et j’attends que Vivyan qui a pris le relais me rattrape pour essayer de partir avec lui. Il finit par arriver et repart avec lui, je ne tiendrais même pas 500m, je n’ai plus de forces et lui demande de partir, de faire sa course. Ca le dérange, car il ne veut pas me laisser seul, mais je lui explique que je ne serais pas seul qu’il y a encore plein de concurrents derrière moi donc en cas de pépins, tout sera ok. Je sais que j’ai 5km de descente pour arriver au ravito de Laffrey, et dans la tête, je me dis que si mes problèmes de ventre ne passent pas, je ne repartirai pas de Laffrey et abandonnerai.

SMS d’Andric à 17h34 : « Y a des Haribo au ravito » La machine se remet en route sans explication…

Les 3 premiers kilomètres sont compliqués puis soudainement, sans explication, la machine se remet en route et je me remets à courir. L’abandon ne sera pas pour maintenant ! Andric m’attend une nouvelle fois à Laffrey avec ses parents et je décide de m’arrêter une dizaine de minutes pour me réalimenter car mon ventre est vide et parce que je vais attaquer une montée continue de 1500m de D+ qui va m’emmener jusqu’au Pas de la Vache. Je suis 72ème, j’ai perdu 7 places, mais c’est vraiment un moindre mal compte tenu du gros passage à vide. Je me dis que les autres sont pas mieux et que moi, ça ne pourra qu’aller mieux. Cela me motive et je repars en direction de La Morte.


SMS de Jé à 17h44 : T régulier mon pote. Devant c du grand n importe quoi. Continues. T o top. »

J’avale rapidement cette portion de montée roulante et double pas mal de concurrents alors que je gère bien mon rythme, en étant cool, me rappelant d’où je reviens. A La Morte, je suis 63ème. Et je suis surpris de recroiser Vivyan qui repart au moment où j’arrive, je ne suis pas très loin de lui, mon rythme est bon ! Je m’arrête 20 minutes à La Morte pour prendre 2 soupes et des forces, car la montée qui m’attends est terrible et va laisser des traces. Je sais que j’en ai pour 2h environ pour gravir les 1000m de D+. Andric est toujours là, à s’occuper de moi. C’est très réconfortant, de l’avoir avec moi, de pouvoir échanger. C’est la dernière fois que je le verrais puisqu’il va rentrer se reposer car le lendemain, c’est lui qui aura à charge de terminer le relais du Team La Meute dans la Chartreuse.


La nuit commence à arriver, je m’équipe donc de ma frontale car dans 1h je serais dans l’obscurité. J’aime courir de nuit donc l’obscurité ne me gêne pas, mais je serais à plus de 2000m d’altitude et j’ai peur du froid. Je verrais bien, me dis-je.

SMS de Nico à 21h46 : « C’est bien champion ! T’as repris des places on dirait. Alors j’espère que tes chaud pour attaquer la courte nuit qui arrive »

SMS de Vanessa à 21h50 : « Une petite montée se profile devant mais rien d’impressionnant. Allez courage » Ca se voit que étais pas devant :D

Quand je repars, le Pas de la Vache me fait face, et la vue d’en bas fait peur. Je sais cependant que la montée est régulière et que si je trouve un petit rythme, ça va grimper tout seul.

L’ascension se passe bien et je suis surpris de rattraper des concurrents, cela me donne de l’énergie et me pousse à poursuivre l’effort. La nuit est à présent tombée, et le coucher de soleil a été fantastique sur l’Alpe du Grand Serre. Je me sens chanceux, à ce moment-là.

A 500m en-dessous du sommet, une voix au-dessus de moi me sort de ma concentration « Viv’ c’est toi ? ». C’est Vivyan qui est juste là, cela me donne la pêche de pouvoir faire une partie du chemin avec lui. Malheureusement, la montée lui a fait mal et il peine, je décide de continuer mon effort seul et de l’attendre au sommet où je ferais des étirements en l’attendant.

Arrivé au sommet, je m’étire donc et Vivyan arrive rapidement, je lui dis de poursuivre et que je le rattraperai dans la descente car je vais prendre encore 2 minutes pour m’étirer et surtout profiter de cette magnifique nuit qui me fait voir Grenoble totalement éclairé en contrebas. Le spectacle est magique mais je dois repartir.

Je n’arrive pas à rattraper Vivyan dans la descente, à priori il semble peiner quand ça monte. Cool il a fait le plus dur dans son relais. J’arrive finalement à le rattraper à la première remontée. Je décide continuer sans lui car ma route est encore longue. Arrivé au lac du Poursollet, je prends mon temps pour me ravitailler car la dernière partie est technique avec une courte montée de 400m de D+, puis une longue descente depuis le Pas de l’Enviou situé à 2100m jusqu’à Rioupéroux à 550m d’altitude, le tout en 6 kilomètres. Le corps va prendre cher !

Et là, surprise ! Vivyan me rejoint au ravito. Il s’est bien retapé et a finalement bien géré la portion depuis la fois où je l’ai doublé, je suis content pour lui. Je lui rappelle le parcours, et file dans la nuit sans lui. J’ai hâte d’arriver à Rioupéroux qui est une base de vie donc je pourrais me reposer un peu. Au Poursollet, je suis 53ème soit 10 places de gagné depuis le pointage précédent. Je me rapproche tout doucement de ce Top 50. 

SMS de Renaud à 23h20 : « Suis à livet (Riouperoux). A tt’ »

SMS de Lauren à 23h32 : « Allez mon cheri je te retrouve à Rioupéroux »

J’avale rapidement la montée du plateau des Lacs, puis passe le Pas de l’Enviou et me lance dans la descente. Les deux premiers kilomètres sont faciles jusqu’au Chalet de la Barrière, où je suis pointé 52ème puis j’attaque les quatre kilomètres plus difficiles. Je suis très content de ma descente où j’essaye d’être souple pour ne pas me faire mal aux jambes. Elle passe plus vite que prévu et je déboule à Rioupéroux. Il est 2h du matin. Tout le monde est là et je vois pour la première fois Lauren, cela me fait chaud à cœur qu’elle soit là. Renaud prend en main ma pause et gère mon alimentation. J’en profite pour passer une nouvelle tenue. Je lui indique que je m’arrête 1h car je veux me faire masser. Une kiné me masse et me détend la cuisse, elle fait un super job, je n’aurais plus de crampes jusqu’à l’arrivée ! 

Vivyan en fini également, il a bien géré sa fin de parcours et sans un problème de frontale, il aurait fini très proche de moi. Il passe le relais à Matthieu, c’est la dernière fois que je verrais le relais de la Meute…

BELLEDONNE : Km 88 à 128

Il est temps de repartir, et pour la première fois de la course, j’intègre le Top 50 puisque je suis 46ème. Je sais que les 18 prochains kilomètres sont copieux, si je les passe sans encombre, je finirais surement la course. Mais encore faut il les passer ! Et pour débuter il y a l’Arselle : 3km et 1100m de D+…

Renaud m’accompagnera dans cette montée, et sa présence est précieuse, je me sens moins seul et mon allure est assez bonne. Enfin assez bonne, tout est relatif, je suis à 2km/h dans cette terrible montée où chaque pas fait mal. Je me répète sans cesse « Dans 1h30 tu en as fini de cette montée, serre les dents ! Serre les dents ! ». J’arrive enfin au plateau rocheux et demande à Renaud de partir devant prévenir les autres de mon arrivée à l’Arselle. Les derniers mètres sont les plus durs et cela s’apparente à de l’escalade. Ca va que je connais, mais je plains sincèrement ceux qui découvrent en pleine nuit cette fin de montée !

L’arrivée sur le plateau se passe mal, il fait super humide et je me prends un réel choc thermique et la fatigue accumulée depuis le début de la course et de l’effort dans cette montée n’est pas pour m’aider. Je prends un vrai coup de bambou sur la tête. Au loin, j’entends Emilio et Renaud m’encourager mais mon corps vient de se mettre en off. Je n’y arrive plus, j’ai froid, j’ai plus de forces… Et si j’avais trop forcer dans la montée ?

Ne me voyant pas arriver Emilio, Marty, Renaud et Lauren viennent à ma rencontre et m’accompagne sur les 100 derniers mètres de l’Arselle où il y a un ravito liquide. Je ne tiens plus debout, je veux m’allonger et m’installe donc dans un lit de camp. C’est une très mauvaise idée car il fait trop froid et tout mon corps est en train de se refroidir. Je ne sais pas combien de temps je reste allongé, 15 minutes, peut-être 20 mais je sais que je dois vite repartir car ça sent pas bon pour moi sinon !

Je sors de dessous ma couverture et passe des vêtements chauds. Tout mon corps tremble, je sens que Lauren est inquiète de me voir dans cet état, j’essaye de me contrôler, mais ça ne veut pas, mes mains tremblent et je peine à fermer ma veste. Je mange un bout de saucisson que Marty est vite allé récupérer à la voiture et je repars avec Emilio et Renaud. Au bout de 150m, je m’arrête, je suis frigorifié, je dois passer mon collant. Cela me réchauffe légèrement et je repars, je dis à Emilio et à Renaud de dire à Lauren que tout va bien même si c’est faux. Je ne veux pas la savoir inquiète.

Il est 5h du matin, je sais que dans 1h, le soleil va se pointer et ce mauvais moment sera oublié. En fait il ne me faudra même pas 10 minutes pour oublier ce moment car sorti du plateau et entré dans la forêt en direction du Lac Achard, je quitte la zone humide et froide et le thermomètre remonte en flèche. A présent, je crève de chaud et je dois donc m’arrêter de nouveau pour enlever le collant et ma veste.

Je reprends ma marche en avant et après toutes ces péripéties entre la montée, le froid, le chaud, je décide d’aller tout cool. Mon corps est en train de m’envoyer des signaux de fatigue. Cela fait presque 22h que je suis parti. Je décide donc d’adopter un rythme léger jusqu’au Grand Colon afin de garder des forces pour la longue descente. Et puis cette portion est très technique et pas évidente, je préfère être prudent.

SMS de Lauren à 6h35 : « On est arrivé à la prochaine étape ! On t’attends ! Soit fort ! Je crois en toi ! »

SMS à Lauren à 6h44 : « Je viens d’arriver à la Croix de Chamrousse. Ca va mieux »

Arrivé à la Croix de Chamrousse, le soleil vient de se lever et je contemple le massif de Belledonne, j’ai beau le connaitre par cœur, je savoure toujours ces moments. Au ravito, je prends mon temps car je sais que la portion qui m’attends est casse-patte et traitre. Sur le profil on a l’impression que c’est facile mais ces 6kms sont techniques et sont des montées et descentes sans arrêt. Je connais ce passage par cœur, et je sais aussi que je le déteste, j’ai du y passer 6-7 fois et j’ai toujours galéré et trouvé cela très longuet !

La bonne surprise c’est que malgré mes pépins, je suis toujours 46ème, preuve que tout le monde est en galère ! La mauvaise surprise c’est que je me rends compte au bout de 500m que j’ai oublié mes bâtons à la Croix de Chamrousse, je remonte donc les récupérer…

Comme prévu cette portion jusqu’au refuge de la Pra est longue et je mets 1h40 pour la parcourir, c’est très lent mais malgré tout je gagne 2 places. Arrivé à proximité, je ressens pour la première fois, le besoin de dormir. Mes paupières sont lourdes, je baille constamment. Je décide de prendre une longue pause à Freydières pour dormir car il y aura du monde là-bas pour m’accueillir. Arrivé donc au refuge de la Pra, je gravis le petit pierrier avec difficulté, ce que note le secouriste qui m’attend en haut et qui me demande immédiatement si je vais bien. Je lui reponds que je suis fatigué mais que ça va. Il m’indique que je peux me reposer ici, je lui dis que je prévois ma pause à Freydières et que je vais juste remplir mes flasques. Je lui demande ou est le point d’eau qui se trouve à 30cm de ma main droite. Il me le montre, je pivote donc pour remplir mes flasques et mon pied gauche marche sur mon pied droit et sans le mur pour me retenir, je serais par terre… Le secouriste me prend dans les bras et m’installe sur un banc, appelle sa collègue et m’examine rapidement. Verdict : Trop fatigué pour repartir, pause obligatoire de 45 minutes. Cette idée ne me plait pas mais bon en même temps, je suis en train de me dormir dessus et je viens de me marcher dessus…  L’idée même si elle ne me plait pas, semble être la bonne !


SMS de John à 8h12 : « 20 places de grattees dans la nuit !! Je savais que tu etais un gars de la night toi ! Allez mon petit pote ! Tous au refuge de la praline ! »

On m’installe dans le refuge et ferme les paupières, je ne dormirai pas. 45 minutes après, on m’autorise à me laisser repartir. Je repars vite et pour la première fois de la course, je réalise que c’est fini pour faire moins de 40h. Je repars survolté car je dois être sorti du Top 50 qui me tient à cœur. 

Mais très rapidement, je ressens le bénéfice de cette pause. Je ne baille plus et mes paupières ne se ferment plus sans arrêt. De plus je double rapidement 2 concurrents et mon allure est vraiment très bonne par rapport à eux. 

SMS d’Emilio à 8h35 : « Hello. On vient de voir passer Matt à Freydiere. Il est en mode machine. Il est descendu comme une balle du grand colon. Tout va bien. Il sera dans 1h15 à Saint Nazaire je pense. Et tous vos encouragements à Viv qui a remis la machine en route mais qui fait une partie compliquée. Allez VIVIEN »

En bas du Grand Colon, je vois deux personnes à mi-parcours de l’ascension, et je les envie d’être déjà à ce point car je sais que cette montée, aussi courte soit elle, fait juste mal aux mollets et cuisses. C’est du pierrier, c’est irrégulier et c’est une bagarre perpétuelle contre soi-même. Je me lance dedans et je sens tout de suite que mes jambes sont là ! Je suis vraiment content de cet état de forme. Au sommet, je sors juste derrière les 2 solos que je voyais du bas, je profite de la vue sur Grenoble et me lance dans cette descente en doublant rapidement les 2 solos.

Je redoutais les 3 premiers kilomètres de cette descente qui est technique jusqu’à la baraque du Colon mais je passe bien et file rapidement vers la forêt et la large piste qui m’emmène au ravito de Freydières. Sur la piste, j’arrive aisément à courir et au bout de 30 minutes, je déboule à Freydières. Dans un premier temps, je croise Christian, qui après Vif hier, est venu de nouveau me voir et trottine à côté de moi jusqu’au ravito. Quelques centaines de mètres plus bas, il est imité par Emilio. Cela me gonfle le moral de recroiser des têtes familières, une première depuis l’Arselle soit 7h de course. En plus d’Emilio et Christian, il y a Lauren, ça me fait plaisir de la voir et ainsi de la rassurer sur mon état. Au classement je suis 49ème, et je sais que je vais continuer à gagner des places vu mon allure, ma fraicheur et l’état des autres concurrents. Je commence aussi à me dire que les 40h sont peut-être encore accessibles. Je prends donc une pause rapide et repars à Saint-Nazaire.



SMS de Vanessa à 2h51 : « Coucou on ne voit pas trop on évolution sur l’Ipad c un peu statut quo sûrement que tu es en train de dormir. Remets la machine en route et vas y. Bisous courage »

SMS à Vaness à 6h45 : « J’ai passé une mauvaise nuit. Très froid. Le jour se leve, j’espère que les jambes vont se reactiver »

SMS de Vanessa à 10h24 : « Allez courage. Si ça peut te réconforter. Moi aussi j’ai eu froid cette nuit. J’ai également mal dormi »

La chaleur commence à devenir très présente puisqu’il est 11h30. Emilio m’accompagne sur 500 mètres et me demande de faire attention de ne pas me cramer car il sent que je veux faire le gros forcing pour arriver vite à Saint-Nazaire.

Dès le début de la descente, je double 2 solos et cela me galvanise pour trottiner dans la descente que je connais très bien et qui n’est pas technique. Je peux donc dérouler la foulée. J’arrive vite en bas au Versoud en ayant encore doublé quelques concurrents, et je sais que j’ai à présent 6km de plat en plein soleil pour rejoindre la base de Saint-Nazaire.

Je sais que je ne dois pas courir car cela va me carboniser, je décide donc de prendre une allure de marche rapide dicter par mes bâtons que je sollicite fortement sur cette partie ! Et ça me réussit plutôt bien car je continue à doubler du monde et mon allure de marche est vraiment très rapide par rapport à la leurs, ça me booste.

MMS de Vaness à 9h20 – Vidéo : Des Allez Tonton criés par ma petite nièce et mon petit neveu !!
Sur ce plat, Vivyan vient à ma rencontre en vélo et je finis donc les 2 derniers kilomètres en sa compagnie. Dans Saint-Nazaire, Matt Des nous rejoint, et j’arrive donc à la base de vie avec mes 2 compagnons. Je rentre en furie dans la salle, et en 13 minutes chronos, je me ravitaille, fait le plein du sac, me change et repars, sans oublier d’embrasser Lauren qui est toujours là à me suivre ! A la sortie, je pointe 34ème ! C’est inespéré ! Et surtout j’ai 10h devant moi pour faire la Chartreuse et les 40 dernières bornes pour rentrer sous les 40h. Vu ma forme actuelle, c’est jouable !  J’apprends que Matt du relais de la Meute a fait un relais de fou dans Belledonne en 7h08, c’est très costaud ! Et donc qu’Andric doit être actuellement dans Chamechaude. Je l’envi d’être déjà là-bas !


CHARTREUSE : Km 128 à 168

Je repars donc aussi vite que je suis arrivé de Saint-Nazaire en compagnie de Matt Des qui sera avec moi dans le Col de la Faita. J’ai hâte d’arrivé au pied du Col car les 2 kilomètres avant sont plein soleil et qu’il est 14h et qu’avec la fatigue, cela devient très difficile de gérer ce paramètre.

A ce moment-là, je pense que ma remontée au classement va s’arrêter car les écarts avec les solos me précédant sont importants mais je continue à penser à ce classement. Même si cela est anecdotique car la place est lointaine même si elle reste superbe pour mon niveau, surtout cela me permet de me garder sous pression et d’avoir un objectif en tête. De penser à cela et de m’aider à avaler les kilomètres !

Arrivé au pied du Col, je double rapidement une concurrente qui est à l’agonie. Je la plains sincèrement car cette montée est très dure sur le bas et je lui souhaite de la connaitre car sinon elle va passer un mauvais moment ! 

Après 1h30 d’effort et quelques 1100m de D+ avalés, je finis par vaincre la Faita, je fais une bise à Matt et le remercie pour son support.


Je le quitte avec le sourire car à présent les montées qui me restent feront maximum 400m de D+. Je commence à me voir franchir la ligne… Mais il me reste entre 7 et 8h de course cependant !

SMS d’Emilio à 15h54 : « ALLEZ mon Vivien !! Putain ça c’est du finish !! Tu me fait rêver. Fait bien attention à ne marcher sur la tête d’aucun solo dans la chartreuse. Les mecs sont carbos. ALLEZ CHAMPION !! »

SMS de ma Maman à 16h19 : « Bonjour cheri nous sommes tres fier de toi bon courage pour la fin gros BISOUS »

Dans la petite descente de l’Emeindras, je suis rattrapé par un concurrent avec qui j’échange rapidement, je le préviens que le ravito est pas loin, ce qu’il sait, par contre il ne savait pas que ça remontait sec pour y aller. Il me demande si il peut se mettre dans mes pas et profiter de mon allure, j’accepte sans souci, ça me fera de la compagnie pendant 2 bornes.

En bas du raidard pour aller au Habert de Chamechaude, j’aperçois un petit groupe de 3 solos et force le pas pour revenir sur eux. Je les double et ils se mettent eux aussi dans mes pas. C’est donc à 5 qu’on arrive au ravito.

Toujours sous pression pour mon objectif 40h, j’engloutis une soupe rapidement et je file, laissant mes compagnons au ravito.

Sur cette portion roulante m’emmenant sous Chamechaude, je m’économise car la montée sur Chamechaude est un peu raide et exposé soleil donc j’aurais besoin de forces, mieux vaut donc ne pas les griller avant !

Au pied de Chamechaude, je mentalise l’effort et je me dis que dans 1h, j’aurais fait l’aller-retour car on effectue une boucle sur cette portion. J’effectue la montée prudemment et très vite je me retrouve au sommet et reverse dans la descente. De nouveau un large sourire sur mon visage ! Et une étape de moins vers l’arrivée !

SMS de Mathilde à 17h35 : « Vas y vivien !!! Je suis de près ton avancée ! Tu déchire tout !!! Go go go fetaaaauud ! »

A présent la descente vers le Col de Porte que j’effectue en marchant rapidement au début car la pente est un peu raide pour mes cuisses après 145 bornes. Malheureusement, je casse un de mes batons à ce moment. Ca me fait bizarre car c’était vraiment devenu une partie intégrante de mon corps. Je finis donc avec un baton. Puis je trottine dès que je rejoins la large piste au dessus du Col de Porte. Je croise Delphine à qui je raconte ma péripétie de batons et enfin Emilio est en bas, je suis en mode machine, et j’entends pas ce qu’il me dise. J’ai juste le temps de leur dire que je veux des batons au Sappey !!

La partie Col de Porte- Sappey est très roulante avec 2 coups de culs. Mes jambes sont bonnes, et j’arrive toujours à courir. Je me sens réellement euphorique de toujours pouvoir courir et je double encore 2 nouveaux concurrents. Au Sappey, Lauren, Andric et ses parents sont là. Je fais un arret express, récupère des batons et repars de nouveau en mode survolté. Je suis 27ème !


Je cours jusqu’au pied de la montée du Saint-Eynard, et je me rends compte que les batons sont vraiment trop petits et d’aucune utilité pour moi. Ils sont même un fardeau ! Tant bien que mal, j’arrive à grimper à une bonne allure au Saint-Eynard. Et là, pour la première fois depuis le départ, je vois Grenoble, j’y suis presque ! La nuit est en train de tomber rapidement, je visse donc la frontale sur la tête et part dans la descente. 

Mais très rapidement, je sens que ça ne va plus. Ca y est la machine vient de se gripper. Mon pied droit me fait atrocement mal, j’ai le releveur en feu et je ne peux plus lever le pied, je tape donc constamment les pierres au sol et chaque pas diffuse une douleur dans tout mon pied. J’essaye de positiver en me disant que c’est déjà très bien que mon corps ai tenu sans gros bobo jusqu’ici et que je suis plutôt chanceux. Je me rends compte à ce moment, que je n’avais pas réglé les batons et que c’est pour cela qu’ils étaient aussi courts… Je commence vraiment à fatiguer. Une fois réglé, les batons me deviennent utiles ! La descente du Saint-Eynard devient très longue, surtout que je suis pris de violentes bouffées de chaleurs et c’est avec joie que j’arrive dans le dernier lacet avant le Col de Vence. Sebastien m’attend et je suis content de le voir, surtout que je sais depuis Freydières qu’il a gagné avec l’équipe monté par le magasin Montagne Nature & Style le relais 160. J’en profite pour le féliciter et file avec lui en direction du ravito du Col de Vence, toujours en 27ème position, preuve que c’est dur pour tout le monde car malgré mon allure réduite dans la descente personne ne revient.

Je suis à 10km de l’arrivée, je fais le plein d’eau au ravito et repars. Seb m’accompagne sur les 500 premiers mètres puis me laisse filer dans la nuit en direction du Rachais.

SMS de Vincent à 22h16 : « Très très très très grosse perf. Tu vas réaliser ton challenge. D’après mes calculs tu fois plus être trop loin de l’arrivée. Allez courage frérot. Trop fier de toi »

Ce chemin, je le connais par cœur, je l’ai emprunté une centaine de fois. Mais là pour la première fois, il me semble interminable, le faux plat montant jusqu’au Rachais ne se fini pas ! Enfin arrivée à la cairn du Mont Rachais, je m’élance dans la descente mais il m’est impossible de trottiner avec mon pied droit endolori, j’en reviens à la marche rapide ! 2km de petit single plus tard, me voilà sur la piste du Mont Jalla, de nouveau un sourire sur mon visage ! Je me force à courir car la pente est moins raide, c’est toujours douloureux mais je me dis que dans 1h tout est fini et cela me motive !

Jalla fini ! Encore une étape en moins ! Je suis à La Bastille, je suis chez moi ! Je me fais doubler aussi par un concurrent qui veut m’attendre car il voit que je souffre, je lui dis que j’ai mal mais que ce n’est pas très grave, qu’il peut foncer vers l’arrivée. Dans la descente, je décide de faire du fractionné : de courir tous les lacets de gauche et de marcher rapidement tous ceux de droite afin de faire passer plus rapidement cette portion ! 

Après 25 minutes d’effort, je pose le pied en bas, dans Grenoble ! De nouveau un sourire ! Plus que 2 kilomètres ! J’adopte un rythme de marche rapide pour ces derniers kilomètres. Et cette année, on passe par le centre-ville contrairement à l’an dernier où l’on passait anonymement sur les berges. Dans la ville, j’ai le droit à une standing-ovation devant chaque terrasse de bar ou de restaurant où je passe, c’est une sensation très plaisante ! Quelques rues plus tard, me voilà à l’entrée du Parc Paul Mistral, plus que 400 mètres ! Contrairement à mes 2 Diagonales des Fous, pas de larmes de joies. Je souris bien évidemment car je vais en finir et je suis fier de ce que je viens de faire. Mais mon corps me fait mal, j’ai chaud, je me sens pas bien et je ne peux pas pleinement profiter de ce moment.

Dernier virage, mes amis m’aperçoivent, symboliquement je me remets à courir et je franchis la ligne. Il est 23h07, on est Samedi 22 Aout, je suis Finisher de l’UT4M en 39h07 et en 28ème position. Un bonheur ne venant jamais seul, le Relais de la Meute a également fini la course en 32h, bravo à eux !




Le speaker m’interviewe, je ne sais pas quoi répondre, je souris bêtement, je suis fatigué mais surtout je ne me sens pas bien. 15 minutes plus tard, je suis pris de vertiges et les secouristes me transportent pour me perfuser. J’avais conditionné mon corps pour 168 kilomètres, pas 1 mètre de plus…

En guise de conclusion, j’aimerais sincèrement remercier toutes les personnes qui sont venues m’assister pendant la course. Je pense que j’ai gagné le prix de la meilleure team logistique. Egalement remercier toutes les personnes qui m’ont envoyés des SMS et mots sur Facebook, j’ai pu lire la majorité de vos messages sur le parcours et ça m’a donné de l’énergie. Enfin, la remercier de comprendre pourquoi je fais cela…